Mardi, sur le banc des parties civiles, la victime du coup de feu du 25 janvier à Guise boue littéralement, les mâchoires serrées. L’homme finit par se lever brusquement, quitte la salle d’audience du tribunal de Saint-Quentin en maugréant. Il n’a pas supporté le tableau que le défenseur de Romain, son agresseur, vient de faire de lui, l’affublant du terme peu flatteur d’« abruti ». « Il a 30 ans et vit toujours chez maman. Il ne travaille pas, il troque. »
C’est ce garçon qui, un lundi rue des Docteurs-Devillers, se présente au domicile d’une connaissance avec laquelle il a l’habitude d’échanger divers objets via Facebook. Le dernier, une mobylette, pose problème. Un échange musclé de SMS invite la victime à passer chez Romain. Celui-ci conclut la discussion par un dernier message qui arrivera trop tard à son destinataire : « Toi, viens, sur ta vie, j’vais te trouer la peau. » Explicite et exécuté.
Une carabine 14 mm dans le plafond du grenier
La porte à interphone passée, le trentenaire s’engage dans l’escalier. À peine a-t-il le temps de poser le pied sur sa première marche qu’une arme surgit d’un coin de couloir à l’étage. Le coup part, touche au but, à l’aine. Le blessé s’enfuit. Dans la rue, où il tombe, se relève, hurle, tombe à nouveau, vomit, un pompier volontaire le croise, veut l’aider, il refuse. Pris en charge par les secours chez sa mère, le Guisard manque de perdre un testicule, mais a la vie sauve.
En panique selon sa compagne, Romain, quatorze mentions au casier, s’organise pourtant rapidement. Porteur d’un bracelet électronique hérité d’une condamnation deux mois auparavant, il remplit une mallette, direction le domicile d’une amie. À l’intérieur, l’arme du crime, un pistolet 22 long rifle, un calibre 36, des cartouches et un poing américain à double lame. Chez lui, dans le plafond du grenier, restent cachées une carabine 14 mm et ses munitions.
À la barre du tribunal correctionnel, les versions divergent. Visiblement remise de sa blessure, la victime assure avoir sonné en bas, vu l’auteur des faits à sa fenêtre, lui disant : «Monte. » « J’ai rien entendu », assure pour sa part le prévenu, quand sa compagne, elle, se souvient du bruit de la sonnette. Le père de son enfant à naître se rappelle en revanche un visiteur armé d’« un balai à brosse pour nettoyer la cour », ce que nie l’autre protagoniste.
Dans ce « dossier d’abrutis », comme le présente sans ménagement l’avocat de Romain, la présidente Sabine Orsel s’interroge. « Vous réalisez que vous avez failli tuer quelqu’un ? » L’intéressé répond à peine. « Non, parce que j’ai l’impression que ça a du mal à remonter jusqu’au bout du neurone. » Pendant quatre ans dont deux ferme, le jeune Guisard de 21 ans aura tout son temps pour réfléchir à la question, en prison.
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