Les souvenirs me reviennent au fur et à mesure que j'écris ...40 ans d'armée ...c'est long et très dense en évènements...
Dans la vie on a parfois des regrets qui nous poursuivent...on y pense souvent et on se dit "si j'avais su !!!"
Voilà au moins deux regrets que je vais vous raconter....
Trèves... je suis en exercice avec le 2° corps d'armée de Baden...je vous avais expliqué déjà qu'au centre opérationnel de ce corps d'armée j'étais chef de site régulation messagerie...les filles tapaient sur les machines avec frénésie au risque de se casser les ongles ... et moi je gérais tout ce flux de messagerie... ce soir là j'étais de bordée de nuit... j'étais malade...beaucoup de fièvre ...c'était en décembre et dehors il neigeait dru...je savais que je devais rester toute la nuit éveillé ...j'ai donc demandé à mon adjointe de me remplacer le temps que j'aille boire une boisson chaude à la popote de la manœuvre... C'était dans une grande tente...je me fais servir un grand café bien bouillant ...j'avais les yeux larmoyants... je me suis assis à une table ...seul avec ma "crève"!
Il y avait d'autres militaire au fond de la tente debout autour d'une grande table en train d'étudier une carte d'état major... l'un d'eux se retourne et je reconnais mon colonel du 8°RI de Noyon...ça fait 7 ou 8 ans que je ne l'avais pas vu...il était passé général... malade, je n'ai pas osé aller le voir...pourtant je sais qu'il aurait été très content de me voir...j'étais encore adjudant chef mais je venais de réussir mon concours de major..j'aurais pu lui apprendre...non ! j'ai bu mon café et je suis retourné à mes messages au CO... Je regrette beaucoup de ne pas l'avoir salué ce soir là... je ne l'ai jamais revu...dommage...mon général !
De retour de Mostar je suis affecté à l'école d'état major de Compiègne... je dois apprendre un nouveau travail...le système de simulation Janus... nous sommes plusieurs à monter un centre de simulation à Compiègne et nous devons aller tous les jours à l'école militaire à Paris pour nous former sur ce système informatique de simulation...C'est don gare de Compiègne... gare du nord... métro... et école militaire... tous les jours comme ça pendant un mois...dans le train et le métro je suis encore dans mes souvenirs de Mostar... du Bapsi des allemands ou de la Mechta de Semra...j'ai essayé d'oublier le travail du CO car c'est du confidentiel défense ...alors plus vite on oublie... plus vite on évite de dévoiler des secrets par mégarde...!
Un matin, à une station de métro un homme rentre... je reconnais mon colonel de Sarajevo... comme le monde est petit... dans la foule immense qui prend le métro chaque jour à Paris je me retrouve avec mon chef de bataillon du Batgen...en me voyant son visage s'éclaire...nous parlons...je lui raconte mon parcours depuis qu'on s'est quitté deux ans auparavant...je lui explique enfin le travail que je faisais au CO de Mostar...et là il me pose une question... "le train entre Sarajevo et Mostar est il enfin reparti... vous vous rappelez que le bataillon était en train de réparer les voies..." et là je lui dis que je ne sais pas ... le métro s'arrête ...il sort car c'est sa station...!je ne le reverrais jamais ...
Arrivé chez moi le soir, je repense à mon colonel dans le métro et là j'ai un éclair... mais bien sur que le train de Sarajevo à Mostar refonctionne ! j'ai même une anecdote à ce sujet...A Mostar je vous avais expliqué que j'étais chargé de rédiger le compte rendu journalier ...compte rendu des évènements qui se sont déroulé sur le territoire chaque jour... c'était une vingtaine de pages d'évènements...le moindre accident, le moindre incendie, une visite d'une personnalité ...enfin tout ...
Et pour le train j'avais eu à traiter ce sujet...on avait organisé l'inauguration de la ligne et lors de son premier voyage le train avait écrasé un berger... il ne savait pas qu'un train allait passer là...ça faisait des années qu'il n'y avait plus de train!!! et j'avais oublié de raconter ça à mon colonel ! je me suis donc dit qu'il avait cru que je lui avais menti en disant que je rédigeais chque jour le compte rendu quotidien...lui qui travaillait désormais à l'état major des armées...il était au courant pour le train car ce compte rendu que je rédigeais chaque jour, il allait, entre autre, à l'était major des armées...!
Je ne l'ai jamais revu pour lui expliquer ceci ...moi qui m'étais fermé aux souvenirs secrets de mon travail de Mostar...! et il faut dire que le matin dans le métro je n'étais pas très réveillé !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire